Les Berbères 3 000 ans de fierté - Le dossier d’Historia
« Les Berbères 3 000 ans de fierté »
Chleuhs, Kabyles, Rifains, Touareg… Ils sont plus de 30 millions, répartis sur plusieurs pays, à transmettre et défendre une culture plurimillénaire écrit le mensuel Historia qui, dans son numéro de septembre 2024 invite à une plongée dans l’histoire berbère.
Le magazine Historia vient de publier un dossier de 30 pages, richement illustré sur les Berbères. Spécificité du mensuel oblige, le dossier est d’abord un survol historique sur rien moins que 3 000 ans d’histoire berbère dans le septentrion africain. Essentiellement composé de portraits (Jugurtha, Saint Augustin, Dihya, Abu Yadiz, Ibn Toumart et même Ibn Khaldun), il aborde aussi plusieurs autres questions comme celles sur les idées reçues sur les Berbères et ou encore la place des Berbères dans le combat anti colonial et notamment des Kabyles au sein du FLN. Enfin, Tassadit Yacine, dans un court entretien, revient, utilement, sur quelques éléments d’actualités.
Historia chiffre le nombre de berbérophones à quelques 30 millions dont 13 millions au Maroc, 10 millions en Algérie, 5 millions au Burkina Faso, Mali et Niger, 1.5 millions en France et entre 80 000 et 1 millions en Espagne.
Le ton est donné dès le titre du dossier : « Les Berbères 3 000 ans de fierté », de sorte qu’il s’agit de souligner l’esprit d’insoumission et de résistance des Berbères arcbouté sur un « socle identitaire solide » comme l’écrit dans son éditorial Eric Pincas qui, plutôt qu’« un destin à jamais contrarié » des Berbères, préfère évoquer leur « indomptable attachement à [leur] indépendance »
Gabriel Martinez-Gros, spécialiste de l’histoire médiévale et notamment d’Al Andalous, réfute cinq idées reçues et rappelle notamment que les Berbères ne sont pas des Arabes, qu’ils ne sont pas tous Kabyles, qu’ils sont majoritairement musulmans ou encore que la colonisation française ne les a pas favorisés.
A propos de Jugurtha, Jean Yves Boriaud cite Mohamed Chérif Sahli qui voyait dans le roi numide « l’émouvant messager de cette grande espérance du cœur humain ; qui se nomme liberté ». Pour Mehdi Shouirgate, Saint Augustin n’aurait pas renié ses origines, il aurait même défendu la culture punique, mais « dans des termes qui révèlent, jusqu’à un certain point, une « conscience africaine ». L’Afrique de Saint Augustin est une Afrique « intégrée à la romanité ».
Suivent les portraits d’Abu Yadiz (873-947), celui qui prit la tête d’une révolte contre les Fatimides ou encore d’Ibn Toumert (1080-1130), fondateur du mouvement Almohades (unitaristes), pour qui le nouveau peuple élu ne serait plus les Arabes « dont la mission est considérée comme achevée » mais les Nord-Africains, le tout sur fond d’un rigorisme particulièrement sévère.
Tramor Quémeneur revient sur la crise de 1949 au sein du mouvement national algérien qui « n’est pas spécifiquement berbère, comme ses détracteurs la qualifient, mais vise à contester les valeurs arabo-musulmanes et populistes » de Messali Hadj. Il souligne opportunément que « les « berbéristes » tiennent à la prise en compte de la spécificité berbère mais veulent aussi promouvoir des valeurs démocratiques ».
Enfin, Tassadit Yacine rappelle que la langue, les coutumes, le code de l’honneur et même le droit coutumier « ont survécu à toutes les dominations », notamment en Kabylie. Ici le sentiment de rébellion n’est pas qu’une affaire d’histoire : il est « actuel », et se manifeste encore et toujours contre des indépendances faites « au nom d’une idéologie arabe et musulmane » exclusive. Et de citer le Printemps berbère d’avril 80, les mobilisations contre « la montée de l’islamisme » ou encore la répression qui, du côté d’Alger, « s’abat sur les contestataires et la presse réduite à sa plus simple expression ». Utile rappel comme son évocation de Mouloud Mammeri. A ce propos, comme écrit Franck Ferrand dans son éditorial si l’Histoire est « un réservoir inépuisable d’expériences » qui permet à tout à chacun « de saisir la course du monde », il n’aurait pas été vain d’évoquer l’apport au patrimoine littéraire et poétique d’un Apulée de Madaure, premier romancier au monde ou celui de cet autre berbère romanisé du IIe siècle avant JC, le poète Térence qui, avec son célèbre « Je suis un être humain : rien de ce qui est humain ne m’est étranger » incitait déjà à la responsabilité, à l’engagement et la solidarité. Et par les temps qui courent…
MH
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