FRANCE -ALGERIE

Et si l'amalgame était ailleurs ?

Par Romain Caesar

En Algérie, comme dans tous les pays d’Afrique du Nord, il y a des Maghrébins, il y a des Nord-africains. Ceux qui se disent Maghrébins font de la politique et ceux qui se disent Nord-africains aussi. Mais quelle est donc la différence entre un Maghrébin et un Nord-africain ?

Le Maghrébin se définit comme appartenant au monde arabo-islamique, et le Nord-africain au monde africano-méditerrannéen. Le premier peut se définir comme arabe, musulman et anti-occidental. Le second se présente plutôt comme algérien, amazigh, francophone, laïque, athée, chrétien, juif, païen, pro-occidental… Enfin un africano-méditerrannéen dans sa pluralité.

Le Maghrébin, au pouvoir en Afrique du Nord depuis plus d’un demi-siècle, impose sa dictature au Nord-africain et il le fait à tous les niveaux : linguistique, culturel, artistique, religieux, économique… Il soutient le régime et qualifie de traître toute personne refusant ses constantes nationales, choisies pour lui par le grand frère Nasser et la Ligue arabe, dont sa langue arabe, sa religion islamique, son hymne va-t-en-guerre, son drapeau aux couleurs de l’arrière-monde et sa terre arabo-islamique. Pour maintenir son hégémonie culturelle, il militarise, arabise, terrorise et islamise à tour de bras. Il ne laisse d’autres choix au Nord-africain que l’exil, la prison ou la mort.

Le mouvement maghrébin, qui ne dit pas son maghrébinisme, est visible en Occident, notamment dans les banlieues françaises et canadiennes. Il est bien organisé à travers ses associations, ses mosquées et des officines officielles et officieuses inhérentes aux États « maghrébins ». Ses militants, indigénistes, islamistes et nationalistes (qui préfèrent vivre n’importe où en Occident, mais pas dans leur chère nation qu’ils adorent de loin), sont nés pour la plupart  en Occident, mais ils se revendiquent de l’arabo-islamisme, et ils qualifient de « harkis » les Nord-africains qui assument leur appartenance et leur reconnaissance à leurs pays d’accueil, c’est-à-dire aux pays occidentaux, qui les ont reçus quand ils ont fui la terreur et la menace de mort de la dictature militaro-religieuse maghrébine.

Nous sommes des millions de nord-africains et nous n'avons le droit à presque rien, ni en Afrique du Nord ni ailleurs. (…) Un Africain du Nord qui revendique ses origines berbères, son héritage méditerranéen gréco-latin, son paganisme et son christianisme ancestraux, son attachement aux langues latines, notamment la langue française, son désir de liberté… est considéré, par le Maghrébin et certains politiques de la gauche paternaliste française, comme un « bougnoule » utile, voire mieux, un « arabe de service »

Les Maghrébins, grâce à leurs États arabo-islamiques, ont tous les droits en Occident : accès aux médias, création d’associations, création d’écoles d’arabe et de coran, construction de mosquées… ils ont même droit aux rayons hallal dans les marchés et les supermarchés. Ces mêmes Maghrébins qui disposent des mêmes droits que les Occidentaux en Occident les refusent aux Nord-africains, chez eux en Afrique du Nord et parfois même à l’étranger. Les chrétiens, les juifs, les païens, les athées, les non-musulmans… n’ont le droit à rien. Cette relation, complètement déséquilibrée et à sens unique, est-elle-raisonnable ? Le principe de réciprocité ne s’impose-t-il pas dans ce cas, où le Maghrébin veut être chez lui partout sur terre, mais ne veut, en retour, de personne « chez lui », je veux dire sur les terres nord-africaines. 

Nous sommes des millions de nord-africains et nous n’avons le droit à presque rien, ni en Afrique du Nord ni ailleurs. En Occident, orientalisme oblige, les politiques font tout pour maintenir l’Afrique du Nord dans le giron de l’arabo-islamisme. Un Africain du Nord qui revendique ses origines berbères, son héritage méditerranéen gréco-latin, son paganisme et son christianisme ancestraux, son attachement aux langues latines, notamment la langue française, son désir de liberté… est considéré, par le Maghrébin et certains politiques de la gauche paternaliste française, comme un « bougnoule » utile, voire mieux, un « arabe de service », même quand celui-ci affirme haut et forme qu’il n’est pas arabe. Comme dirait en substance le grand Einstein : « il m’est plus facile de fissurer un atome qu’un préjugé« . Ce dernier a effectivement la peau dure, au point parfois de demander à l’Africain du Nord d’être comptable des faits et dires du Maghrébin. 

Un Maghrébin croit fermement que l’Afrique du Nord lui appartient, il voit un traître en tout Algérien qui épouse une autre religion que la sienne, qui aime une autre langue que la sienne… 

 

Dans l’imaginaire des Français, un harki est un Algérien qui a choisi la France pendant la guerre d’Algérie. Il est important de leur rappeler que ce qualificatif est toujours d’actualité : il est attribué aujourd’hui encore à tout Français d’origine « maghrébine » qui aime le camembert, le beaujolais, Rimbaud, les nuit parisiennes, et d’autres belles choses encore. Ne continue-t-on pas, dans certains milieux officieux et officiels maghrébins, de traiter Gérard Darmanin de traître ?

Après l’indépendance de l’Algérie, la coalition phénico-arabo-turque a pris le pouvoir, chassant de la terre africaine, rebaptisée « Terre islamique » ses ennemis héréditaires, à savoir le Grec, l’Italien, l’Espagnol, le Chypriote, le Corse, le Chrétien, le Juif, le Païen. Suite à cela, elle a dépossédé le Berbère de sa culture et de son histoire, et elle se veut aujourd’hui, l’orientalisme européen aidant – si bien décrit et documenté par Edward Said, – la seule culture légitime des lieux. 

C’est à cette catégorie nord-africaine qu’appartient Boualerm Sansal, les jeunes Kabyles et les opposants politiques qui croupissent dans les prisons, les exilés culturels et linguistiques, les humanistes, les apostats de l’islam, les francophones et tous ceux qui aiment leurs pays d’accueil, mais qui veulent sortir leurs pays d’origine de l’isolement, les réconcilier avec l’humanité, les ouvrir sur le monde afin d’accueillir tous ceux qui aiment cette région,  toutes les langues et toutes les religions du monde, donner les mêmes droits aux hommes et aux femmes qui y vivront sans distinction de race, de sexe et de couleur de peau.