Adolescente, je découvrais Idir. Je ne ratai pas un spectacle. En fait, NOUS ne rations jamais ses concerts. Car c’est en famille qu’on allait le voir et l’écouter, avec nos mères, avec tout le village de Guenzet, en tout cas sa « succursale » parisienne :  nous dansions, nous chantions, nous étions infatigables… et heureuses. Les you-yous résonnent encore dans ma tête et dans mon cœur.
Non seulement Idir connaissait « mon » village « , comme il me le dira lui-même plus tard, mais aussi, parmi ses musiciens, son célèbre et regretté bassiste, Hachemi Bellali était de chez nous.C’est dans les années 1980, à la création de Radio Beur, que j’ai rencontré Idir. Il a été de tous les concerts, son soutien à la radio a été constant ; comme d’ailleurs pour l’ACB, l’autre association où j’étais investie et où il passait souvent, comme pour être proches des siens, notamment de cette jeunesse qui poussait, loin de la Kabylie.
Idir ne ménageait ni son temps ni ses soutiens : droit de vote des immigrés, voix de tous les sans voix, démocratie en Algérie, solidarités internationales… Quelle que fut la cause à défendre, s’il l’estimait juste, Idir était au rendez-vous.
Et bien sûr il y a l’incontournable « A vava inou va ». Cette berceuse a fait le tour du monde.  Idir et d’autres chanteurs ont parfois risqué leur vie pour défendre la langue, la culture et le patrimoine kabyles. Lui, a toujours refusé de verser dans un certain « berbérisme » : plutôt que l’enfermement, il a cherché à faire rayonner la langue, la rendre universelle. Ainsi, en concert, pour son public, si large que beaucoup ne comprenait pas le kabyle, il avait cette élégance de restituer l’univers de ses chansons, d’en traduire les paroles.
De génération en génération, Idir est et reste présent dans chaque famille. Il est là et sera encore là pour les veillées, pour les anniversaires, pour les mariages…  Dans le cœur de chacun.e et au cœur de chaque village.  Il est devenu, pour le monde, l’ambassadeur de la chanson kabyle. Ses duos avec Aznavour, Tryo, Leforestier, Akenaton… disent cette «  France des couleurs » et des « Identités », ses deux albums symboles de cette double présence au monde : que le monde entre dans tamaziɣt, que tamaziɣt soit au monde.

« Cette communauté c’est la mienne et je m’inscris tout à fait dans le cadre de ses options, de ses luttes… Il y a beaucoup, beaucoup d’idées que je partage avec eux, il y en a d’autre que je ressens moins, mais j’ai toujours été attiré naturellement. Ceci dit je ne crois pas trop au mot « beur ». La culture beur, les gens qui ont deux cultures, je suis assez sceptique. A mon avis ils ont deux sensibilités mais pas deux cultures. En fait ils n’ont ni l’une ni l’autre. Ce qui m’intéresse c’est le déchirement qu’ils éprouvent à être au carrefour de deux choses qu’ils n’atteignent pas, qu’ils ne possèdent pas. »
(Idir,  Tiddukla N° 3, 1985)