C’est dans l’effervescence née autour de l’amazighité durant les années 70 que j’ai rencontré Idir à son arrivée en France.
Plus précisément, nous nous sommes vus pour la première fois en 1975 dans un café-restaurant du 14e arrondissement, Le Tizi. Il n’avait pas encore enregistré son premier album et son 45 tours, paru en Algérie, était introuvable. On le sait, l’impact de Vava inu Va, fut énorme. Mais au sein de la jeunesse kabyle estudiantine d’alors, l’écho de cette œuvre prenait un sens particulier. Je revois encore Muhend U Yehya, dans l’appartement de la rue de l’Amiral Mouchez que nous avions loué pour les vacances, passant et repassant Tamacahuţ n Tsekkurt, la deuxième chanson du précieux 45 tours Vava inu Va prêté par un ami. Durant deux après-midis entiers, il écoutait, immobile, penché sur le tourne-disque comme envoûté, ne laissant échapper, entre de longs intervalles de silence, qu’un « c’est ça, c’est ça… » qui avait la force de l’évidence.

C’était bien ça, en effet. Idir venait d’ouvrir une voie pour faire entendre et projeter dans un avenir interdit une humanité niée, par l’Algérie officielle, et marginalisée, par un monde allant tambour battant, un monde encore sous l’onde de choc de mai 68.
Pourtant, malgré son succès, Idir ne s’était pas présenté en artiste en haut de l’affiche, mais en camarade d’une équipe embarquée sur une nacelle en péril, ballotée par les vents contraires de l’histoire.
En toute circonstance, sa fidélité ne sera jamais prise en défaut.
Comme pour tous les artistes d’exception, la mort d’Idir est métamorphose, elle n’est pas disparition du monde, car il reste présent parmi nous, mais différemment.
Devenu spectateur à son tour depuis le firmament, il a rejoint nos illustres aînés qu’il a lui-même célébrés et qui contemplent le spectacle que nous leur offrons en jaugeant, avec bienveillance, nos efforts pour faire vivre l’héritage qu’ils nous ont légué.

« Ma chanson est née de certaines frustrations, d’une oppression, d’un besoin spontané d’être et j’ai évolué en même temps qu’elle. Déclenchant tout un mouvement elle a bouleversé les structures existantes par rapport à la musique, aux textes qu’on n’avait l’habitude d’écouter. Un certain nombre de jeunes se sont laissés entraîner dans mon sillage, de par mon droit d’ainesse, j’étais obligé d’être là, à couvrir, à discuter, à travailler avec eux. Peu à peu, l’idée du chanteur individuel laissait la place à d’autres choses. J’ai senti le besoin de construire tout autour de moi un édifice dans lequel je n’étais pas la seule attraction, le seul pôle d’intérêt. Cela a donné des maisons d’édition, tout une vague de chanteurs, tout un style, pour moi, peu importait que je produise à partir du moment où l’idée que je véhiculais pouvait être vivante ».
(Idir, Tiddukla  N° 3, 1985)

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« Ma chanson est née de certaines frustrations, d’une oppression, d’un besoin spontané d’être et j’ai évolué en même temps qu’elle. Déclenchant tout un mouvement elle a bouleversé les structures existantes par rapport à la musique, aux textes qu’on n’avait l’habitude d’écouter. Un certain nombre de jeunes se sont laissés entraîner dans mon sillage, de par mon droit d’ainesse, j’étais obligé d’être là, à couvrir, à discuter, à travailler avec eux. Peu à peu, l’idée du chanteur individuel laissait la place à d’autres choses. J’ai senti le besoin de construire tout autour de moi un édifice dans lequel je n’étais pas la seule attraction, le seul pôle d’intérêt. Cela a donné des maisons d’édition, tout une vague de chanteurs, tout un style, pour moi, peu importait que je produise à partir du moment où l’idée que je véhiculais pouvait être vivante ».
(Idir, Tiddukla  N° 3, 1985)